Tham Lom - MK23
1 - Localisation
2 - Historique
3 - Description
4 - Equipement
5 - Karstologie
6 - Biospéologie
7 - Occupation humaine
8 - Topographie
9 - Perspectives
10 - Références
Abréviations et légendes
Tham Lom (la grotte du vent) s'ouvre une centaine de mètres au-dessus de la plaine, dans le versant raide et boisé qui domine Ban Gnang. A 300 m de la Nam Hinboun, on quitte les champs en lisière de forêt et l'on prend un chemin raide qui mène en 20 minutes à une petite entrée qui exhale un courant d'air puissant.
Coordonnées (système géodésique / grille : Indian-Thai / UTM 48Q) :
X = 0469.398 km
Y = 1987.795 km
Z = 312 m
Carte topographique au 1/25000 : Ban O
Photo 1 - Entrée de Tham Lom - MK23 (© P. Bence)
2 - Historique
Cette cavité nous avait été indiquée en 2002 : une centaine de mètres en reconnaissance avaient alors été topographiés, avant de s'arrêter sur un puits non franchissable sans matériel (BMv, AC et FB, le 25 février 2002) [1].
Neuf ans plus tard, à nouveau guidés par les habitants de B. Gnang, nous retournons à T. Lom.
En quelques jours 4,6 km seront explorés et topographiés :
JMS, LS, BM et FB le 2 mars 2011,
JMS, LS, PB, FG et FB le 3 mars,
FG, PB et FB le 4 mars,
FG, PB, FB, BM, BG et LG le 6 mars,
BM, LG et GC le 8 mars,
FG, PB, FB, BM, BG, LG, GC, KA et JC le 9 mars.
FG, PB, LG et BG le 10 mars.
3.1 - Le réseau d'entrée
3.2 - Le secteur du P20
3.3 - Le réseau supérieur
3.4 - Le réseau aval
3.5 - La galerie du Kiki
On se reportera à la topographie.
3.1 - Le réseau d'entrée
Sitôt l'entrée franchie, la grotte s'élargit et commence à descendre. De belles dimensions (jusqu'à 10 m de large et 15 m de haut), elle est abondamment concrétionnée (gours et microgours, massifs stalagmitiques blancs).
Ca et là des stalagmites tombées au sol se sont ressoudées, témoins probables de l'activité sismique qui affecte toute cette partie de l'Asie. A 50 m de l'entrée on rencontre deux petits puits non descendus.
De nombreux remplissages anciens en plaques terreuses plus ou moins indurées, recreusées, ébouleuses avec des points de soutirage, alternent avec les secteurs concrétionnés.
A 150 m de l'entrée, un premier puits borgne et une rampe fortement inclinée nécessitent d'équiper en paroi droite. Dix mètres plus loin, un embranchement signalé par une belle draperie blanche donne accès à trois secteurs différents :
‣ Vers l'ouest, une galerie coupée d'effondrements se divise en deux et se termine 100 m plus loin sur remplissages.
Photo 2 - Réseau d'entrée bas du R12 (© P. Bence)
‣ Vers l'est un court passage bas donne sur la suite du réseau par un P20.
3.2 - Le secteur du P20
Le P20 donne accès au plancher d'une salle très concrétionnée avec des gours magnifiques, la "Salle des Gours" (ph.3, 4, 5 - PB-3321-PB-3343-BG-Lao1147). Cette salle est un point central ; de là partent trois réseaux :
‣ un remontant qui mène, après escalade, au grand réseau supérieur avec le point haut de la cavité (+ 90),
‣ un filant vers l'aval, et conduisant au point bas de la cavité (-165),
‣ la galerie du "Kiki" partant sur une fracture, vers le nord.
Photos 3, 4, 5 - La salle des Gours ; gauche et centre © P. Bence ; droite © B. Galibert
3.3 - Le réseau supérieur
A l'extrémité ouest de la salle du P20 une grande galerie richement concrétionnée, au sol recouvert de coulées stalagmitiques blanches et brillantes, coupée de quelques grands gours, remonte sur 200 m avant de se terminer sur concrétionnement.
Elle présente une section moyenne de L15 x H10 jusqu'à un décrochement qui s'élargit en grande salle, puis se rétrécit sur les 100 derniers mètres.
Photo 6 - Accès au réseau supérieur : escalade de 20 m (ph. B. Galibert)
Coté sud et à une quinzaine de mètres seulement de la salle du P20, part un petit méandre tapissé de microgours, qui se termine sur deux vasques d'eau cristalline bleutée après un ressaut d'escalade de 6m ayant nécessité un goujon et demi.
C'est au niveau du décrochement que se situe dans les voûtes la suite du réseau : une escalade de 20 m donne accès à un niveau supérieur constitué d'une galerie principale de belles dimensions (L10-25 x H5-30).
3.3.2 - La galerie du Totem et du Col des Singes
On remonte une vingtaine de mètres supplémentaires dans une salle remplie de blocs et l'on parvient au point le plus haut de la partie nord de la cavité. Un P35 (ph.7 - BG-Lao1166) ramène sensiblement le plancher de la galerie, qui file plein sud, au même niveau que celui de la galerie des Grands Gours.
Au bas du puits qui se termine sur un grand plat, la voûte s'abaisse mais la galerie est toujours aussi large (L20 x H5) : c'est "l'Océan des Gours" qui débouche dans la salle du Totem abondamment concrétionnée avec quelques magnifiques colonnes (ph.8, 9, 10 - PB-3399, BG-Lao1176, BG-Lao1172).
Désormais, les secteurs au sol superbement calcité alternent avec des portions encombrées de blocs. La progression se fait en remontant légèrement, avec un premier ressaut (R9) équipé en fixe. En haut et de suite à main droite une galerie part sur une coulée : elle mène sur un embranchement en T avec deux escalades à faire.
150 m après le R9, la galerie monte brusquement en s'orientant au sud-ouest puis reprend vers le sud une pente plus modérée jusqu'à une zone de grands éboulis remontants. On atteint pratiquement la voûte au Col des Singes, point haut de la galerie principale à +59.
Derrière le col une galerie revient sous la zone d'effondrement mais se termine au bout d'une centaine de mètres. Un peu plus loin et à main droite part une petite galerie remontante qui aboutit à une bifurcation : l'escalade de la branche gauche ne donne rien, si ce n'est le point le plus élevé de la cavité à +90 ; la branche de droite conduit à un ressaut de 7 à 8 m qui reste à escalader.
Photo 7 - Réseau supérieur P35 (© B. Galibert)
3.4 - Le réseau aval
En contrebas de la salle du P20, derrière un massif stalagmitique, un petit ressaut conduit à la suite du réseau vers l'aval : une grande galerie très concrétionnée descend vers le nord-est et se termine à -120 sur un puits borgne.
La suite du réseau se trouve en fait une quarantaine de mètres avant le fond : une galerie part à niveau, plein sud. Vingt mètres plus loin, latéralement 2 petits puits mènent à un soutirage étroit dans de la calcite (-141).
En poursuivant dans la galerie, une escalade de 8 m dans un remplissage, suivie d'un ressaut de 9 m, conduisent à un nouvelle petite escalade : une étroiture ventilée, d'une dizaine de mètres, entre remplissage et plafond (Ph.11). Fait suite une descente d'une vingtaine de mètres dans le remplissage très ébouleux, et une belle galerie que l'on suit jusqu'à un mur d'argile de 6 à 7 m de haut, reliquat d'un ancien remplissage qui a été postérieurement presque entièrement repris par l'érosion (Ph.12). Conservé sur une vingtaine de mètres ce talus redescend aussi abruptement.
Photo 11 - Réseau inférieur : étroiture d'accès au P20 (© F. Brouquisse)
Photo 12 - Réseau inférieur : escalade sur le remplissage - pt B12 (© F. Brouquisse)
Une vingtaine de mètres plus loin, on arrive à une zone carrefour ; à niveau la galerie principale se termine 100 m plus loin, apparemment colmatée (absence de courant d'air). Les diverticules qui partent à main droite se terminent rapidement : ils semblent remonter dans le pendage ; les planchers stalagmitiques sont parfois peu épais et peuvent s'effondrer (pt C6).
La suite du réseau est à main gauche dans l'aval pendage : 25 m plus loin, une main courante permet de franchir un puits bien propre (P34) par la droite (lames stalagmitiques anémolithes sonores - Ph13). Ce puits creusé en soutirage par une arrivée d'eau du plafond, se finit en faille étroite.
Photo 13- Réseau inférieur : anémolithes sonores - Main courante du P35 (© F. Brouquisse)
De l'embranchement, la galerie principale continue à descendre, rythmée par des coudes marqués, deux ressauts à équiper (R6 et R7) et se termine sur un méandre infâme très boueux étroit et sans air à - 165 ; on est au point le plus bas de la cavité et à près d'un km de l'entrée.
3.5 - La galerie du Kiki
Elle se développe sur 150 m à partir du bas du P20 : après une petite escalade, la galerie se divise en deux. Dans l'axe ça remonte jusqu'au pied d'une escalade à faire, avec un fort courant d'air (-57). A main gauche, la galerie descend sur une coulée de calcite et rejoint une zone de gours blancs superbes, avec arrêt sur un ressaut de 10 m non descendu (-83, pas de courant d'air).
En début de galerie, une escalade, à main gauche quand on vient de la salle, montre un départ nécessitant une main-courante.
4 - Equipement
Tableau 1 - Fiche d'équipement de Tham Lom - MK23
L'accès au terminus du réseau aval, depuis l'entrée, nécessite environ 190 m de corde, celui à l'amont du réseau supérieur 150 m.
5 - Karstologie
Comme les autres grands réseaux de la région, l'extension de celui-ci en fait un sujet d'intérêt majeur, d'autant que tenter d'établir quelques caractéristiques régionales de l'évolution du karst nécessite l'étude et la comparaison d'un nombre suffisant de cavités.
Sont rassemblées ici quelques premières observations ponctuelles et réflexions qui n'ont pour objectif que de stimuler le plaisir de la découverte et de la compréhension de la cavité. Notre modeste contribution - une petite pierre de plus à la connaissance patrimoniale du karst laotien - ne saurait bien sûr prétendre à la qualité et au professionnalisme de ceux qui mènent des travaux de grande ampleur depuis près de vingt ans [2].
5.1 - Structure et morphologie
Le réseau est structuré par son pendage local et la position de la vallée de la Nam Hin Boun, axe de drainage majeur et probablement très ancien au vu de l'importance de l'ablation karstique.
Dans le paysage régional actuel on rencontre d'importantes dépressions karstiques fermées mais drainées, comme celles de Ban Boumlou, de Ban Na (Houay Tham Heup) ou de Ban Louang. D'autres, nombreuses, sont semi-ouvertes en bordure de chaînons. Elles représentent ce que la vallée de la Nam Hin Boun a pu être par le passé.
Son drainage vers le nord-ouest, puis le coude brusque en direction du Mékong, perpendiculairement à l'axe des chainons calcaires est lié aux orientations structurales régionales. La vallée sert depuis longtemps de niveau de base régional et d'exutoire aux circulations karstiques qui convergent vers elle.
Les niveaux étagés que l'on peut suivre dans certaines cavités se sont tous développés vers la Nam Hin Boun, en s'enfonçant au fur et à mesure que le plancher de la vallée elle-même s'abaissait.
Figure 2 - Tham Lom - MK23 : localisation du réseau sur un fond de carte au 1/25000
Concernant Tham Lom, le réseau actuellement connu, orienté sud-nord (fig.2), est principalement structuré sur deux niveaux correspondant à deux phases de creusement, que l'on repère aussi bien sur la coupe projetée (90° - 0°) (fig.3) que celle (0°-0°) (fig.4) :
Figure 3 - Tham Lom - MK23 : projection sur un plan vertical sud - nord
On devrait peut-être pouvoir retrouver des surfaces d'érosion dans le paysage, au moins à partir de l'analyse des cartes topographiques. Du coté de Thakhek, des niveaux semblent apparaître vers 340 m d'altitude et entre 500 et 600 m.
> Le réseau "aval" qui est sans doute un cran d'enfoncement du précédent, très ancien lui aussi, dont une alimentation pourrait être la galerie "disques ô very" représentant en amont le cran de descente entre les deux niveaux. Vers l'aval, son exutoire fossile peut se trouver au-delà des points bas nord du réseau (-141 et -120).
Ce pendage à 25° vers l'est (N90° / 25°) ressort nettement de la structure générale du réseau, alors qu'il est très difficile de l'observer directement car les parois sont pratiquement toujours couvertes de micro choux-fleurs ou de couches concrétionnées qui masquent la stratification.
Figure 4 - Tham Lom - MK23 : projection sur un plan vertical est - ouest
Ces niveaux, en particulier dans le réseau aval, sont parfois colmatés jusqu'au plafond par des dépôts que l'on pourrait croire diagénisés (pt B12) et qui ont été repris et décapés de façon inégale par l'érosion (réseau multiphasé), générant un parcours haché où l'escalade d'un remplissage résiduel peut être suivie quelques mètres plus loin d'un cran de descente. Ces galeries sont recoupées par des actifs (ou semi-actifs) beaucoup plus récents, venant des plafonds et directement alimentés par les percolations de surface, comme en atteste la roche très corrodée et la mise en relief de nombreux fossiles.
Photo 14 - Réseau inférieur : la corrosion a dégagé en partie des fossiles (crinoïdes ?) (© F. Brouquisse)
Sous terre la roche est claire lorsqu'elle apparaît nue (pt 10), avec un léger aspect poussiéreux, ou granuleux de surface, en particulier quand le ruissellement ou la condensation actuelle corrode la surface et fait ressortir les débris organiques et fossiles (pt I3 ?) (ph.14).
5.3 - Remplissages détritiques et concrétionnements
Les remplissages ont parfois plusieurs mètres d'épaisseurs, à paroi souvent raide (pt B12 - B11, pt B19), faisant obstacle à la progression. Ces anciens dépôts ont été repris par l'érosion et leur démantèlement semble surtout lié au recoupement des anciennes galeries par des circulations verticales actives plus récentes : planchers perforés et soutirage des remplissages.
Quelques dépôts argileux et sableux se rencontrent, au niveau de points bas (décantation) et plutôt dans le réseau aval. On trouve également des reliquats de dépôts perchés sur banquette en hauteur comme dans la galerie de la Coulée Orange, quelques mètres après le pt 29, à 7-8 m de haut en paroi gauche.
Quelques planchers peu solides de cailloutis cimentés, parfois suspendus (entre pt 10-27-1 et 10-27-2), peuvent porter de vieilles fistuleuses sur lesquelles se sont développées de non moins vieilles excentriques, puis des choux-fleurs (pt 10-32-6).
On rencontre quelques dépôts clastiques (éboulis et blocs), mais il est probable que les coulées stalagmitiques en masquent une partie. Les plus importants sont au début du réseau supérieur (pt E0 - E4) et vers le Col des Singes (pt F25 - F31). Entre les pt F5 et F6, une zone de blocs se trouve à l'aplomb d'un puits remontant.
Bien que seules des datations puissent permettent d'apprécier l'ancienneté des galeries, on observe la présence de concrétionnements parfois presque poudreux (on rencontre des planchers croûtés qui s'enfoncent et font penser à ceux que l'on rencontre massivement à Tham Biéo), et de concrétions à l'aspect terreux (pt 10-32-6) qui semblent très anciens.
Mais la caractéristique générale la plus évidente est l'abondance du concrétionnement, avec parois et sol calcités qui masquent quasiment partout la roche en place et recouvrent sans doute beaucoup des dépôts argilo-sableux sous-jacents. Sur 2/3 du réseau, le plancher des galeries est recouvert de coulées et microgours blancs et brillants, de croûtes parfois cassantes et de films calcités recouverts de petits choux-fleurs. Si la plupart des coulées sont blanches, il faut noter la couleur orange étonnante de la galerie éponyme.
Ces mini-choux-fleurs peuvent être blancs, gris ou noirs mais la plupart du temps sont de ces couleurs mélangées. Ils sont omniprésents et recouvrent souvent des concrétionnements préexistants : ils semblent correspondre à la dernière phase de concrétionnement de la cavité.
Photo 15 - Perles dans l'Océan des Gours (ph. B. Galibert)
Des perles de caverne sont observées ça et là, comme dans la galerie de l'Océan des gours (Ph.15) ou dans la galerie latérale remontante vers le pt 56 (elles atteignent 3 cm de diamètre, sont de couleur gris-marron, mais des perles blanches dans un écrin de calcite se trouvent également vers les pt F16 -F17).
De nombreux disques sont à noter dans la galerie "disques ô very".
On remarquera enfin quelques stalagtites ou colonnes renversées et cassées, parfois ressoudées au sol par le concrétionnement ultérieur, qui témoignent sans doute de l'activité sismique et autres manifestations néotectoniques (pt 14, 10-32 à 10-33, E10, 10-35 à 10-36).
5.4 - Formes mineures
Les vagues d'érosion sont difficiles à déceler et à orienter du fait du concrétionnement quasi généralisé des parois.
Les quelques observations qui ont été faites sont douteuses : au voisinage des pt 8 - 10, en plafond les vagues de l'ordre de 80 cm semblent être orientées vers le bas ; au pt 10-31 des vagues de 20 à 30 cm semblent indiquer un ancien écoulement vers l'amont de la galerie ; par contre dans la galerie de l'Océan des gours, les quelques vagues repérées confirment qu'on se trouve bien dans un ancien amont.
On notera les très belles cannelures verticales au pt 32 à l'aplomb de la galerie qui arrive en hauteur (galerie de la Coulée orange).
5.5 - Hydrologie
Le réseau est perché 150 m au-dessus de la vallée et il n'y a bien sûr pas de circulation active horizontale. Seuls les apports par infiltration directe à partir de la surface parviennent à la voûte des galeries, à la faveur de puits-diaclases récents qui recoupent les niveaux anciens.
Là où se font ces apports concentrés, des soutirages se sont opérés avec reprise des remplissages anciens dont les parois se sont localement verticalisées.
Quelques-unes de ces arrivées ont été repérées car la roche est bien corrodée et humide, avec quelques gouttages, mais la saison sèche n'est pas propice à ce recensement (pt 32, 10-32-3-2, I3, 1-7).
Quelques rares vasques et gours sont remplis d'eau : pt D3-D2 , eau peu claire ; pt 10-27-9 / 10-27-10) : gours extraordinaires avec cristaux totalement blancs et une eau cristalline légèrement bleutée ; pt 1-7 : alimentation par la coulée de calcite qui ferme la galerie ; pt 1-14 / 1-15 : galerie Disques ô very.
Des gouttages localisés doivent se produire en de nombreux endroits pendant la saison des pluies mais la très grande partie du concrétionnement ne semble plus évoluer du tout.
Quant aux paléo-écoulements, comme déjà mentionné, leur détermination n'est pas immédiate d'autant que les microformes comme les vagues d'érosion sont masquées par le concrétionnement.
5.6 - Physico-chimie et climatologie
Aucune analyse n'a été effectuée sur les quelques points où l'on a rencontré de l'eau. Mais à cette époque de l'année en particulier, il est quasi-certain que l'eau des gours soit sursaturée. Pour les faibles gouttages ou ruissellements de paroi rencontrés cela est moins sûr si l'on s'en tient à l'observation de la roche (cannelures de corrosion et dégagement de fossiles) : mais cette configuration montre seulement que sur un cycle annuel c'est la dissolution qui l'emporte. Enfin la période favorable à la dissolution reste la saison des pluies.
Tham Lom, autrement dit la "grotte du vent" : un panache de condensation et un fort courant d'air pouvaient s'observer en même temps à l'entrée le 2 mars 2011 vers 10 h.
A priori le phénomène est étonnant ; en effet le premier signifie que l'air qui sort de la cavité est plus chaud que celui de l'extérieur au voisinage immédiat de la sortie ; la vapeur d'eau amenée par le courant d'air sortant se condense alors en un fin brouillard. Mais le courant d'air étant sortant cela implique qu'il y a une entrée plus basse qui aspire. Or il fait plus frais à l'intérieur de la cavité qu'à l'extérieur.
Le même jour à 11h20, au niveau du pt 9 (au sommet du remplissage, à 100 m de l'entrée) le courant d'air bien net souffle toujours vers l'entrée. A 15h47 dans la galerie de la Coulée Orange le courant d'air vient du fond et se dirige toujours vers l'entrée du réseau. Dans le réseau aval au point A22, ce même jour à 15h un léger courant d'air vient de l'aval et remonte en direction de la Salle des Gours.
Le lendemain 3 mars, à 10h50, au bas du P20 (Salle des Gours) le courant d'air bien établi part vers le haut en direction de l'entrée ; dans la galerie des Grands Gours, à 11h25 au pt 10-31, à 13h au pt 10-32, à 14h11 entre les pt 10-28 et 10-29, le courant d'air se dirige vers la Salle des Gours (il vient de la grande arrivée en plafond : pt E0) ; dans cette dernière à 15h55 il provient toujours de la galerie des Grands Gours et remonte le P20. L'entrée semble donc fonctionner toute la journée comme entrée soufflante.
Le 4 mars à 9h40 le courant d'air est net, mais cette fois-ci l'entrée aspire. Par contre dans la Salle des Gours, une heure et demie plus tard, le courant d'air provient bien de la galerie des Grands Gours. Plus bas dans le réseau aval, il ne semble pas y avoir de courant d'air au fond dans les secteurs des pt B1 et B6.
Le 6 mars à 9h30 l'entrée est soufflante (?). A 13h dans le réseau aval, faible courant d'air du pt D11 au pt D10, pas d'air au pt D1.
Le 8 mars le courant d'air à l'entrée "s'est inversé" (aspirant ?).
Le 9 mars à 9h50 l'entrée est aspirante, par contre à 13h45 l'entrée est en régime soufflant. A 13 h courant d'air net au pt F18 dans le réseau supérieur en direction de l'entrée.
Le 10 mars, à 15h un fort courant d'air, venant de la Salle des Gours, emprunte la galerie du Kiki ; plus loin au pt K20, le même très fort courant d'air remonte. Cette galerie remontante semble fonctionner comme la galerie d'entrée et annonce peut-être une sortie proche.
En conclusion, l'entrée principale fonctionne dans la journée comme entrée soufflante, le courant d'air venant pour l'essentiel de l'amont du réseau supérieur ; il semble aussi y avoir un faible courant d'air venant lui aussi du réseau aval, d'au delà du P20. L'entrée se comporte donc principalement comme entrée basse du réseau qui possède au moins une entrée haute (escalades à faire au fond du réseau supérieur)
Les inversions de courant d'air sont parfois visibles en début de matinée et correspondent probablement à l'inversion du courant d'air pendant la nuit.
Tableau 2 - Climatologie : repérage des courants d'air dans Tham Lom - MK23
Sur la base des observations disponibles, à l'entrée le courant d'air semble se renverser entre 9 h et 10 h ; pendant la journée, dans tous les cas la circulation principale entre l'amont du réseau supérieur et l'entrée de Tham Lom est restée stable et dans le même sens.
Sans que nécessairement le sens des courants d'air et leurs heures aient été notés, on peut récapituler les principales observations, utiles pour orienter la suite des explorations. (tab.2).
6 - Biospéologie
Il y a eu peu d'observations et aucune collecte de microfaune. Cependant plusieurs points seront à prospecter au droit des arrivées d'eau susceptibles d'apporter de la matière organique sous terre.
Dans le réseau supérieur, au Col des singes, des ossements de singes (dont des crânes calcités) ont été trouvés, ce qui laisse supposer une accès franchissable avec la surface (ph.16 - PB3435).
Un peu plus loin, au terminus de la galerie principale, des crabes de couleur rose (probablement Erebusa calobates) ont été rencontrés dans les gours actifs.
Un coléoptère rouge et noir d'environ 2 cm (sans caractère troglomorphe) a été aperçu dans la galerie de la Coulée Orange (vers le pt 31), probablement parvenu là à la faveur des courants d'air.
Enfin quelques chauves-souris ont été croisées ça et là, et des os (espèce de petite taille) on été trouvés près du pt 10-32 dans la galerie des Grands gours.
7 - Occupation humaine
La cavité est connue des locaux, mais ceux-ci n'avaient jamais dépassé le premier puits. Aucune trace n'a été trouvée au-delà.
8 - Topographie
FG (synthèse), PB, LG, BG, JMS, LS, FB, BM, GC - Grade 4 - Dév : 4650 m - Dén : 255 m (-165, +90) - fig.1 (ht).
En altitudes absolues :
- l'entrée est à 312 m, environ 150 m au-dessus de la plaine de la Nam Hin Boun (alt : 160 m),
- le point bas est à 147 m, ce qui le place plus de 10 m au-dessous du niveau de base et donne une idée de l'incertitude sur les dénivelées topographiées,
- le point haut se situe à 402 m, soit - à cet endroit - une cinquantaine de mètres sous la surface.
Le fichier Visual Topo sert de référencement pour le repérage et la localisation des observations, mesures ou prélèvements (ex : "pt E10" signifie point (station) topographique E10).
9 - Perspectives
Tham Lom est loin d'être terminée et son étude commence à peine. De nombreux points d'interrogation sont à lever : puits à descendre et escalades à faire. La présence d'un courant d'air puissant et permanent implique au moins une sortie haute dans le massif.
De l'analyse de la topographie actuelle il est possible qu'une communication existe entre le secteur du P35 (pt E0 - E4) dans les voûtes et le puits remontant dans la galerie de la Coulée orange (pt 32).
De même une galerie - qui est peut-être la suite de la galerie du Totem vers le nord au-delà de son raccordement à la galerie des Grands Gours - existe nécessairement en haut du P28 remontant.
Arriver à shunter le terminus amont de la galerie du Totem serait inespéré. Enfin il nous a été signalé l'existence d'une autre grotte un peu plus haut que Tham Lom (probablement une autre branche du même système).
Au niveau de l'étude de la cavité, il faut multiplier les observations locales (fracturation, pendage, fossiles, remplissages, écoulements actifs, courants d'air), échantillonner et collecter la microfaune.
10 - Références
[1] FAVERJON Marc ; BROUQUISSE François ; CASSE Philippe ; GUARDIA Jean-Paul ; MICHAUD Bastien ; MONGES Thierry ; MOREAU Manon ; NOAILLES Ghislaine ; SOUBIRANE Alain ; WOLOZAN David (2005) : Chapitre 7 - Résultats spéléologiques. Khammouane 2002-2003-2004, Explorations spéléologiques et scientifiques en République Démocratique Populaire Lao : 112, 114, 115.
[2] MOURET Claude (2010) : Asie du sud-est, Laos, Laos central 2011-1, vingt-et-unième expédition au Khammouane (Nouvelles découvertes et travaux de fond) ; Laos central 2011-2, vingt-deuxième week-end au Khammouane (Nouvelles découvertes et travaux de fond). Spelunca n°122 - juin 2011 : 6-8.
Abréviations et légendes
JMS : Jean-Michel Salmon
LS : Laurence Salmon
BM : Bernard Monville
FB : François Brouquisse
PB : Philippe Bence
FG : Florence Guillot
BG : Bernard Galibert
LG : Laurent Guizard
GC : Gilles Connes
KA : Karine Alibert
JC : Jean Charbonnel
L20 x H5 : largeur (20 m) et hauteur (5 m) de galerie
P20 : puits de 20 m - E10 : escalade de 10 m - C7 : cheminée de 7 m
R10 : ressaut (descendant) de 10 m
pt : point topo