Spéléologie et risque médical au Laos
Aprés plusieurs campagnes d'exploration menées dans les cavernes du Laos, il nous a paru utile de réaliser une synthèse des problèmes médicaux rencontrés lors de ces expéditions. Si aucun accident grave n'est pour l'instant à déplorer, les problèmes de santé n'ont pas été rares, liés autant à la spécificité de notre activité qu'au milieu tropical dans lequel nous évoluons.
1 Préparation / prévention
La préparation médicale de l'expédition est une étape à ne pas négliger. Il est important notamment pour le médecin de l'expédition de connaître les antécédents de chaque participant, de manière à prévoir la prise en charge d'une éventuelle complication.
1.1 Les vaccins
La couverture vaccinale doit comporter au minimum tétanos et poliomyélite. Parmi le désormais large éventail de vaccinations à notre disposition, il est parfois difficile de choisir :
– l'hépatite A : la vaccination est recommandée pour les sujets non immunisés, étant donné le risque de transmission dans le contexte d'expédition. Il ne s'agit pas d'une maladie grave, mais un sujet atteint sera dans l'impossibilité de participer aux explorations.
– l'hépatite B : le risque n'apparaît pas comme majeur ici.
– la rage : c'est une maladie endémique dans toute l’Asie du Sud-Est. La transmission est essentiellement le fait d'animaux errants (chiens, nombreux dans les villages), bien plus que par les chauves-souris. Etant donné la gravité de la maladie, l'éloignement de tout centre antirabique, et les conditions de séjour que nous subissons, la vaccination est recommandée.
– la leptospirose : également endémique dans toute l'Asie du Sud-Est, cette affection menace plus particulièrement le plongeur spéléo (KANEKO et al., 2009). Bien qu'au Laos l'incidence de la maladie soit plus élevée dans le nord (KANTI LARAS et al. , 2002), la vaccination est conseillée aux plongeurs.
– l'encéphalite japonaise est une affection peu fréquente par rapport aux autres maladies tropicales évoquées ici, mais elle peut être mortelle. Transmise par piqûre de moustique, elle n'a pas de traitement, comme beaucoup de maladies virales. Les conditions de tourisme «aventureux» sont une indication de la vaccination, qui nécessite de passer par un centre international de vaccination et quelques formalités, mais la transmission s'effectuant essentiellement pendant la mousson (mai – octobre), nous n'avons pas recommandé ce vaccin pour l'instant.
– la fièvre typhoïde se contracte par ingestion d'eau ou aliments souillés et entraîne des troubles digestifs, neurologiques et généraux pouvant aboutir au décès dans 30 % des cas, en l'absence de traitement. Sa prévalence est importante en Asie du Sud-Est. Le vaccin actuel (Thyphim Vi) est bien mieux toléré que l'ancien TTAB et n'est administré qu'en une seule injection.
1.2 La pharmacie
Elle comprend toujours la pharmacopée de base (antibiotiques, antalgiques, antiémétiques, antidiarrhéiques, matériel de suture, antipaludéen curatif,...), mais doit surtout être bien fournie en compresses, antiseptiques, et traitements des problèmes cutanés qui sont nombreux et quasi quotidiens. On doit également tenir compte des besoins des populations locales dans ce domaine entre autre, mais antalgiques et antibiotiques doivent être prévus «large». On peut trouver sur place dans les grosses agglomérations de quoi compléter nos besoins, mais il est encore impossible par exemple de trouver bandes Velpeau, compresses stériles, Elastoplast...
1.3 Hygiène
Recueil d'eau bouillie avant explo. (© JMO)
L'eau de boisson est en principe recueillie après ébullition, et si l'on oublie le goût de fumée, permet d'éviter de nombreuses affections. En exploration, l'utilisation de désinfectants à base de chlore (Aquatabs) est d'usage.
1.4 Informations utiles
Elles se trouvent désormais sans difficulté sur Internet. Il est indispensable, avant le départ, de s'informer des recommandations officielles sur le pays, sur un des sites suivants :
www.sante-sports.gouv.fr/recommandations-sanitaires-aux-voyageurs.html
2.1 Serpents (ngou en Lao)
Bien que l'on ait fort heureusement pas eu à déplorer le moindre accident avec eux, les serpents sont souvent vus, notamment dans les entrées de cavités. Ils pénètrent parfois loin à l'intérieur des grottes, même au delà de la zone éclairée. On dénombre environ une centaine d'espèces de serpents au Laos, parmi lesquels une vingtaine sont venimeux, et la morsure de certains est mortelle en quelques heures. Leur présence dans les cavités a été notée lors de chaque expédition, mais avec des années de forte présence, comme en 2010 où ils ont été observés dans la plupart des grottes. Ils occupent par ailleurs tous les terrains (arboricole, terrestre, aquatique).
Trimeresurus truongsonensis (© B. Galibert), Rhabdophis nigrocinctus (© H. Steiner) et Triceratolepidophis (Protobothrops) sieversorum (© Phil Bence - explo.fr)
Nous avons le plus souvent eu affaire à des vipères, mais une identification spécifique en nécessiterait la capture, sport auquel nous ne nous sommes pas adonnés. La présence de cobras est également signalée pour le pays, y compris du redoutable naja. On pourrait certes compter sur la participation des autochtones, mais les noms vernaculaires varient d'un village à l'autre, en fonction de l'âge du serpent, etc... (Deuve, 1970).
La classification des serpents peut également se faire en fonction du caractère pathologique des venins: les serpents à venins neurotoxiques appartiennent à la famille des Elapidés, qui comprend les cobras Najas, tandis que dans les hémotoxiques, on retrouve les vipères et les crotales. Le comportement est rarement agressif, mais peut l'être lorsque l'on dérange une parade nuptiale comme cela nous est arrivé une fois (Tham Panang). Nous avons parfois renoncé à l'exploration de certaines galeries défendues par ces reptiles.
Les morsures de serpents exotiques entraînent de nombreux symptômes tout d'abord locaux (saignement, œdème, nécrose cutanée, troubles de la sensibilité...), puis généraux, avec possible coagulopathie, rhabdomyolyse, état de choc, paralysie, insuffisance rénale, coma, et bien sûr décès. Il existe, notamment à Bangkok, la possibilité de se procurer des sérums antivenimeux, mais d'une part leur conservation dans les conditions d'expédition est problématique en raison de leur thermolabilité, mais surtout chaque sérum est spécifique, donc doit être administré après identification de l'espèce, ce qui est rarement possible. Les sérums polyvalents existent, mais ne procureraient de toutes façons qu'une illusion de sécurité.
En cas de morsure, il convient de désinfecter la plaie, immobiliser le membre atteint, administrer des antalgiques et... hospitaliser le plus rapidement possible en service de réanimation après avoir tenté d'identifier le serpent. Il est donc illusoire d'espérer régler rapidement le problème dans les conditions d'expédition que nous connaissons. Comme pour le paludisme, le mieux est donc d'éviter de se faire mordre !.. Une grande prudence est recommandée surtout dans les zones d'entrée des cavités, mais les serpents occupent également les zones à obscurité complète. Toujours regarder où on met les mains et les pieds... et ne pas oublier qu'il s'agit d'un risque vital. Concernant le risque de ces morsures, il peut être approché en étudiant les cas subis par la Thaïlande voisine : la plupart concernent les vipéridés ou crotalidés, les décès sont alors exceptionnels. Bien qu'il y ait beaucoup moins de morsures de cobras, celles-ci sont plus souvent mortelles (Povchanugool et al., 1998).
Les scolopendres se rencontrent rarement sous terre au Laos, du moins de manière fortuite et c'est heureux car les espèces tropicales de grande taille ont un venin assez toxique.
Scutigère de la Nam Non (© JMO)
2.3 Arachnides
Abondamment rencontrés dans les cavités du Khammouane, les arachnides n'y représentent cependant pas un danger majeur, et aucun incident n'a été signalé pour le moment. Dans l'ordre des aranéides, l'araignée la plus fréquemment rencontrée est sans conteste la fameuse Heteropoda maxima (cf photo), que l'on repère facilement dans l'obscurité grâce aux reflets de ses yeux, mais que l'on entend également marcher sur les parois. Elle fuit généralement rapidement à notre approche. Plusieurs autres espèces se rencontrent et nos expéditions ont même été à l'origine de la découverte de nouvelles espèces (Jaeger, 2001).
Plus dangereuses sont les mygales, qui n'ont pour l'instant été aperçues qu'en extérieur, parfois il est vrai tout prés d'entrées de cavités.
Grande mygale à l'entrée de Tham En et scorpion de Ban Thatot (© B. Galibert)
L'ordre des scorpionidés comprend plusieurs espèces rencontrées soit aux camps de base, soit parfois dans le milieu souterrain, mais les scorpions sont généralement peu agressifs, et les piqûres jamais mortelles.
L'ordre des uropyges et amblypiges est très bien représenté dans le milieu souterrain du Laos, et nous les citons pour mémoire en raison de leur fréquence et de leur aspect dangereux, alors que ça n'est pas le cas.
Uropyges de Tham Houai Say : inoffensifs (© H. Steiner) Heteropoda maxima de Tham Lom (© JMO) : inoffensive
L'ordre des ixodidés (tiques) peut poser des problèmes médicaux avec d'une part le risque de surinfection des morsures, mais aussi par la possibilité de transmission d'affections diverses (borréliose, rickettsiose, encéphalites,...). Une rapide revue de littérature montre cependant peu d'incidence pour l'Asie du Sud-Est. Plusieurs cas de morsures n'ont pour l'instant pas été suivis de complications. La prudence s'impose malgré tout, et le réflexe d'ablation et désinfection est de mise.
Les moustiques peuvent transmettre de nombreuses affections, mais on est essentiellement concernés par la paludisme, l'encéphalite japonaise et la dengue.
La moustiquaire s'impose évidemment en tous lieux (camp de base, camp avancé), mais nombre d'entre nous préfèrent utiliser une simple tente, qui permet un peu plus d'intimité, d'autant que nous sommes en permanence observés par les villageois.
Bien qu'à la saison sèche il y ait peu de moustiques, nous avons parfois subi des «attaques» en règle le matin de bonne heure ou à la tombée de la nuit. Il importe de penser à amener dans son matériel spéléo un flacon d'anti-moustique, qui ne manquera pas d'être utilisé même lorsque cela n'a pas été prévu : découverte d'une sortie en jungle, attente du 4x4 en forêt à la tombée de la nuit... Dans quelques cavités (par exemple Tham Nong Kha), nous avons été fort gênés par les abeilles dont on occupait manifestement le territoire. Même s'il n'y a pas eu de piqûre, le risque existe en spéléologie, car les essaims sont souvent dans les porches d'entrée de cavités.
De nombreuses infections peuvent être transmises par les chauves-souris, et en particulier la rage. Le Center for Disease Control mentionne la spéléologie comme une activité à risque et recommande de ne pas manipuler de chauves-souris. La Commission médicale de la Fédération française de spéléologie conseille la vaccination pour la pratique de la spéléologie tropicale, mais avouons le, aucun d'entre nous ne s'y est pour l'instant soumis.
Par ailleurs, les chiroptères peuvent transmettre de nombreuses autres maladies, et elles sont soupçonnées par exemple d'être l'hôte du redoutable coronavirus, responsable du “Severe Acute Respiratory Syndrom”. Les grands volumes souterrains du Laos central n'autorisent pas souvent des contacts rapprochés avec les chiroptères, et on les évitera de toutes façons sans précautions. La chauve-souris nous a par ailleurs parfois été proposée comme repas dans certains villages. Il faudra s'abstenir...
Colonie de chiroptères dans Tham Houay Say (© P. Bence) Au camp avancé, la moustiquaire s'impose
Fracture de la styloïde cubitale (Nam Hin Boun) Piqûre de tique avec début d'érythème
Panaris sur orteil Excoriation en cours de surinfection
Scutigére au bivouac (Tham Louang) © JMO
Les traumatismes sont nombreux et variés en expédition: chocs directs lors des progressions en cavités bien sûr, mais aussi en marche d'approche (la progression dans les tsingys s'apparente à la spéléologie !). Lors des différents séjours de l'équipe, on a pu déplorer une fracture du plateau tibial après chute (le diagnostic final a été fait au retour), une fracture de côte, d'innombrables ecchymoses pour l'instant sans gravité (cf photos), quatre entorses de cheville, une plaie du cuir chevelu l'année où il n'y avait pas de médecin dans l'équipe, ce qui nécessita un long voyage jusqu'au dispensaire le plus proche pour la réalisation de sutures...
Les tendinites ne sont pas exceptionnelles, surtout provoquées par l'utilisation de machettes en prospection, et ont parfois justifié l'utilisation d'anti-inflammatoires per os. Un cas de claquage musculaire a été également rapporté.
En 2010, l'un d'entre nous, victime d'une chute en prospection, présentait une impotence fonctionnelle de l'avant bras gauche avec tuméfaction en regard de la styloïde cubitale, évoquant une fracture, ce qui fut confirmé par radiographie à l'hôpital de Thakhek (prix : 2 €) quelques jours plus tard. En attendant la radiographie, une contention provisoire (qui dura tout le séjour) a été réalisée à l'aide d'une attelle en bambou : plusieurs morceaux ont été placés de manière circonférentielle autour de l'avant-bras blessé, isolés de la peau par des compresses. La contention plâtrée initialement prévue n'a pas été réalisée en raison d'excoriations cutanées en voie de surinfection sur l'avant bras. Le sujet n'étant pas trés discipliné, la guérison cutanée n'a jamais été obtenue avant le retour en France...
Attelle en bambou (© O. Bonnet)
Le Laos détient le triste privilège d'être un des pays à avoir le plus été bombardé, en particulier lors de la guerre du Vietnam par les B52 américains. Plus de deux millions de tonnes de bombes ont ainsi été déversés sur le pays entre 1964 et 1973, dont environ 30 % n'auraient pas explosé, et 15 des 18 provinces du pays sont concernées par le problème (Durham, 2005). Bien que des campagnes de déminage soient organisées depuis quelques années dans le pays, certaines zones isolées comme celles que nous parcourons lors de prospections sont encore à risque. Plusieurs engins explosifs ont d'ailleurs été découverts, heureusement sans dégât... Les zones de pertes, telle celle de Tham Son Dang, ont parfois concentré les engins que l'on retrouve au milieu des galets. Au niveau de l'entrée de Tham Panang, prés de Mahaxaï, un gigantesque cratère témoigne d'un bombardement ciblé sur la cavité qui devait être sensée abriter des combattants. La violente déflagration a d'ailleurs dégradé plusieurs parties de cette cavité dans laquelle nous avons découvert plusieurs fresques pariétales anciennes. L'examen de photos aériennes permet même encore de découvrir des zones criblées, dont l'impact est encore nettement visible.
Les progressions en forêt doivent par conséquent être prudentes, sous la direction des guides. En cavité, les engins peuvent avoir été entraînés assez loin de l'entrée par l'eau et une inspection minutieuse des chemins que l'on emprunte doit s'appliquer, ce qui est d'ailleurs également valable pour les serpents par exemple.
Obus de mortier trouvé prés de Ban Vieng (© JMO ) Déminage prés de Thakhek (© H. Steiner)
Comme dans tout pays tropical, de nombreuses maladies infectieuses peuvent être contractées au Laos, et nous n'en referons pas l'inventaire ici. Cependant, certaines d'entre elles méritent quelques commentaires.
5.1 Paludisme
Omniprésent et résistant à la nivaquine (le Laos est un pays du groupe 3, soit zone de prévalence élevée de chloroquinorésistance et de multirésistance), le paludisme doit être une préoccupation des explorateurs dans le Khammouane. Plusieurs cas ont été relevés parmi notre équipe, dont un de paludisme encéphalique contracté dans la région de la Xé Bang Faï. La prophylaxie recommandée pour la région varie au cours du temps, en même temps que les résistances du plasmodium aux différentes thérapeutiques.
Pour nos expéditions, chacun a opté pour le traitement qui lui semblait le plus adapté en fonction de la durée et lieu du séjour et de la tolérance éventuelle aux chimioprophylaxies proposées.
Pour des séjours ne dépassant pas deux semaines, nous n'avons pas recommandé de traitement particulier, sachant que la durée d'incubation de Plasmodium est d'environ quinze jours, et que le prix des traitements n'est pas négligeable, pour une tolérance parfois trés mauvaise et une efficacité aléatoire... Certains d'entre nous, pour des séjours de un mois à chaque fois, prenaient de l'homéopathie et des huiles essentielles (thym). Le Lariam a été souvent utilisé, au prix d'effets secondaires parfois gênants (troubles neurologiques, digestifs,...). Les cyclines semblent un bon compromis (pour un prix tout à fait abordable comparé aux autres), bien que le problème de photosensibilisation soit souvent évoqué. Les cyclines sont en outre recommandées en prévention de la leptospirose qui menace surtout les plongeurs. Le Malarone, assez onéreux, peut être également utilisé. Sachant qu'aucune molécule n'a fait preuve d'une efficacité complète, la prévention des piqûres est primordiale.
Enfin, la pharmacie du groupe doit obligatoirement comprendre un traitement antipaludéen curatif (nous avons opté pour la Quinine).
5.2 Leptospirose
Comme mentionné précédemment, cette maladie menace le spéléologue en Asie du Sud-est, en particulier lors d'explorations en cavités aquatiques, ce qui est fréquent. En effet, la maladie est transmise par les déjections de rongeurs qui sont abondants dans ce milieu. Certaines cavités-pertes présentent des accumulations de matières putrides (par exemple Tham Kagnung). Le plongeur est tout particulièrement concerné. Plusieurs attitudes sont possible: la vaccination, non prise en charge, sera préférée pour les plongeurs. En cas d'exposition ponctuelle, on peut se contenter d'une prise prophylactique de cycline.
5.3 Dengue
Les épidémies sont fréquentes dans le pays, surtout dans le sud et en période de mousson. C'est une maladie virale transmise par les moustiques du genre Aedes, pouvant entraîner une forte fièvre. On retrouve en outre au moins deux des manifestations suivantes : céphalée, douleur retroorbitaire, myalgie, arthralgie, rash cutané, manifestations hémorragique. Les complications peuvent être mortelles. Un seul cas est survenu lors de nos expéditions.
5.4 Divers
Les «touristas» n'ont jamais été très gênantes en raison du respect des règles d'hygiène pour la nourriture. Elles ne sont cependant pas rares, et en cas de persistance peuvent être facilement maîtrisées à l'aide d'antibiotiques de la famille des quinolones en traitement court. Certaines années, les affections ORL sont courantes (rhino-pharyngites, rhinites, sinusites,...) mais plus gênantes qu'autre chose.
Il est bien sûr possible de contracter de nombreuses autres maladies infectieuses au Laos (grippe H1N1, grippe aviaire, rage...). Il convient de se renseigner sur les données épidémiologiques récentes avant le départ.
Les affections dermatologiques ont toujours été riches et variées en exploration tropicale. La peau, interface entre le corps et le milieu extérieur, doit en subir les agressions multiples et variées :
6.1 Les érythèmes solaires
Sont survenus quelques fois en prospection, mais peu fréquents car les progressions se font surtout en forêt.
6.2 Mycoses
Elles sont assez nombreuses, mais peu gênantes si on les prend en charge rapidement et correctement. Les intertrigos inter-digitoplantaires sont les plus fréquentes, favorisées par la progression en zones humides, le port des mêmes chaussures, la macération... guettent essentiellement les pieds qui macèrent de longues heures (voire plusieurs journées dans le cas de bivouacs) mais aussi les plis (axillaires, inguinaux...).
Etat des pieds après 2 jours d'exploration non stop (© JMO)
6.3 Traumatismes
Les traumatismes divers peuvent entraîner des lésions multiples, de la simple excoriation aux ecchymoses prononcées. Les petites plaies sont quotidiennes. Dans le cas d'effractions cutanées, une désinfection soutenue doit être appliquée rapidement sous peine de complications. Au niveau des pieds, les phlyctènes (ampoules NDT) sont également très fréquentes durant tous les séjours, et l'utilisation de pansements hydrocolloïdes permet souvent de continuer les explorations.
6.4 Les agressions infectieuses
Elles sont systématiques sur les plaies non désinfectées. On a noté par ailleurs quelques panaris (photo) et deux abcès a minima n'ayant pas nécessité d'incision.
6.5 Réactions urticariennes
Nous les avons constatées parfois par simple contact avec certaines plantes (liane à priori), mais une fois également avec point de départ vraisemblablement alimentaire.
6.6 Bourbouille
La bourbouille, ou miliaire, survenant généralement dans les plis cutanés notamment de l'aine et aisselle, est due à l'excès de transpiration combinée au frottement cutané lors de la marche avec des vêtements humides, et se caractérise par des vésicules et pustules prurigineuses, suintantes. Elle est plus fréquente chez les plongeurs qui progressent en combinaison Néoprène. On doit redouter la surinfection fongique ou bactérienne. Elle a été observée une dizaine de fois.
6.7 Le pied de Mulu
Le «pied de Mulu» a été constaté a minima plusieurs fois, mais un cas assez aigu mérite qu'on s'y attarde : originellement décrit par Buchan au retour d'expéditions à Bornéo, il s'agit surtout d'une abrasion cutanée due au sable dans les chaussures, sur une peau attendrie par la macération permanente, le tout se compliquant rapidement d'infections opportunistes. Le cas le plus aigu fut vécu prés de la Xé Bang Fai en 2007, lorsqu'un des explorateurs, après avoir progressé avec des chaussures trouées dans les vastes galeries de la rivière souterraine, emprunta le chemin de Tham En (difficile progression au milieu des tsingys et de la jungle, puis des bambous). Le retour d'exploration fut un calvaire, au point qu'il lui fut bientôt impossible de marcher. Porté jusqu'au chemin par son camarade et les guides, il fallut ensuite réquisitionner un vélomoteur pour acheminer le blessé jusqu'au camp. Bien que de nombreux remèdes aient été proposés par les villageois (trempage dans de l'huile de vidange, du Lao Lao...), c'est grâce au repos et aux soins locaux qu'eut lieu le rétablissement au prix de plusieurs jours d'immobilité.
6.8 Piqûres
Les agressions dues aux insectes, tiques, et autres bestioles sont également quotidiennes, avec des risques décrits plus haut. Signalons aussi la présence de sangsues dans certaines zones marécageuses, mais elles sont surtout présentes pendant la mousson, de mai à octobre.
7 Pathologies diverses
Comme signalé précédemment, le respect de règles d'hygiène alimentaire nous permet d'éviter un peu les problèmes. Les diarrhées bénignes sont cependant assez fréquentes. A l'inverse, la constipation peut être parfois très gênante, et affecter le caractère de certains. Il semble que cet inconvénient ait surtout été dû à l'utilisation de Lariam avec un schéma posologique inhabituel... Les nausées ont été également fréquentes, mais peut être à rapprocher aussi des effets indésirables des antipaludéens de synthèse. Les épigastralgies ne sont pas rares, et doivent être rapidement traitées par des antiacides puissants (inhibiteurs de la pompe à protons). Quelques cas de crises d'hémorroïdes sont aussi rapportés, attention aux aliments épicés.
7.2 Pathologies de la plongée
L'activité plongée comporte un certain nombre de pathologies spécifiques et on a noté surtout plusieurs cas d'otites (le médecin de l'expédition ne devra pas oublier d'amener un otoscope !). Le problème potentiel de la leptospirose a été évoqué plus haut.
7.3 Problèmes neurologiques
Les insomnies sont assez fréquentes et peuvent affecter l'efficacité et la sécurité. Elles doivent donc être traitées. Les conditions de bivouac (nuisances sonores) les favorisent largement. Certains troubles mineurs du comportement peuvent être attribués là aussi aux antipaludéens (Lariam). Par ailleurs, des antécédents de troubles psychiatriques (dépression, névrose mal compensée, troubles bipolaires) ont pu parfois entraîner quelques problèmes, ceux affectant la cohésion de l'équipe ne se solutionnent que par l'éviction de sujets en conflit permanent avec la majorité des membres du groupe.
7.4 Ophtalmologie
Les conjonctivites ne sont pas rares, irritatives (poussières+++ pendant les transports) ou infectieuses. Un cas d'ulcération cornéenne par traumatisme végétal suivi de conjonctivite a été traité.
De haut en bas et de gauche à droite : ecchymoses ; urticaire de contact végétal, conjonctivite sur ulcération cornéenne ; excoriations, sangsue. © H Steiner, JMO
La présence d'un médecin dans l'équipe sera rapidement connue de nos hôtes et les consultations deviendront vite un rituel quotidien, avec parfois plusieurs patients qui attendent au pied du hamac dès six heures du matin.
La majorité des pathologies rencontrées alors concerne des plaies souvent infectées datant de plusieurs jours, des céphalées et troubles digestifs divers. En dehors de cette «bobologie», on retrouve parfois des pathologies plus sérieuses, avec beaucoup d'affections pédiatriques par exemple à Ban That (otites purulentes, bronchites sévères, brûlures aux deuxième et troisième degrés des extrémités d'enfants livrés à eux-mêmes et entourés de foyers à même le sol). La composition de la pharmacie doit tenir compte de ces besoins. Nous avons également été conduits à Ban Xong auprès d'un jeune garçon paralysé depuis plusieurs mois (paralysie spastique d'apparition progressive). Nous avons proposé d'organiser son hospitalisation à Thakhek sans succès, la famille préférant continuer à le confier au guérisseur du village. Il faut dire qu'une hospitalisation nécessite de mettre à disposition au moins un membre de la famille pour assurer toilette et alimentation du malade. En zone rurale, les gens ont fréquemment recours aux guérisseurs et à la pharmacopée traditionnelle que l'on retrouve sur les marchés. Certaines plantes sont en particulier actives sur le paludisme. En fin de séjour, les pharmacies seront confiées aux dispensaires de la région par l'intermédiaire de personnes sûres : une année, les médicaments furent confiés à un guide avec des consignes strictes d'utilisation, mais ensuite dispersés dans la population plus en fonction de la couleur des comprimés que des pathologies à traiter.
Brûlures 2nd et 3ème degrés chez des enfants © H Steiner, JMO
Selon l'ambassade de France au Laos, “les soins lourds ne peuvent être assurés de manière satisfaisante sur l’ensemble du territoire. La situation est particulièrement préoccupante dans les régions éloignées de la capitale compte tenu de l’insuffisance des moyens de transports, notamment la nuit”.
La couverture sanitaire est en effet assez disparate dans le pays et inversement proportionnelle à l'éloignement des centres urbains. En cas de nécessité d'évacuation sanitaire, la proximité et le bon équipement de la Thaïlande toute proche doivent être pris en compte. En cas d’accident ou de problème de santé grave, appeler le centre médical de l’Ambassade de France à Vientiane (00856) 21 41 50 ou (00856) 20 655 47 94.
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3 Traumatologie
4 Engins explosifs
5 Maladies infectieuses
6 Dermatologie
7 Pathologies diverses
8 Soins aux populations locales