La traversée de Tham Heup - 1902
La traversée de Tham Heup - 1902
La spéléo à dos de cheval !
Paul Macey est le représentant du Syndicat Français du Commerce pour le Haut Laos. Installé à Luang Prabang dès 1890, il collabore avec les membres de la mission Pavie. Il devient administrateur du Khammouane en 1901. A la demande de Pavie et de Martel, il publie dans Spelunca, en 1908, un récit de ses explorations souterraines au Laos. Sa première exploration est celle de Tham Heup, au débouché des gorges de la Nam Hin Boun dans la plaine du Mékong.
Au Laos, ces premières incursions souterraines tenaient plus de la visite que de l’exploration, car les aventuriers qu’étaient Cupet, Counillon et Macey avaient été précédés tous les jours par les laotiens. Les tunnels visités constituent en effet des voies de passage aisées reliant des vallées autrement quasi inaccessibles.
C’est cependant à Paul Macey, manifestement enthousiasmé par sa découverte du monde souterrain à Tham Heup, qu’il revient d’avoir réalisé la première véritable “première” spéléologique au Laos. L’histoire, toujours contée dans l’article de Spelunca de 1908, mérite d’être connue...
Le Thame Khi Heup fut parcouru par nous, en 1902 ; c’est à dire le premier en date. La description ci-dessous peut donc s’appliquer aux autres souterrains, en ce qui regarde la partie pittoresque ; [...]
La direction du souterrain, de l’entrée à la sortie de la rivière, est sensiblement E. O. Un coup d’oeil au croquis [ci-contre] peut confirmer cette indication, mais ne peut donner qu’une idée imparfaite du caractère grandiose du souterrain dans lequel on marche de surprise en surprise.
Tous les cinquante pas, le luminaire dont nous disposions, bien que fort imparfait, nous montre des motifs nouveaux et variés ! Ce sont des chaires ; des fortins ; des silhouettes d’animaux fantastiques ou grotesques ; des orgues géants avec des tuyaux énormes ; des gradins d'amphithéâtre ; des chaises curules pour titans ; des piliers élégants et des voûtes majestueuses qu’on croirait transportées de quelque cathédrale gothique, etc. En outre, la lumière se reflète, se multiplie aux milles facettes des cristaux de stalactites et de stalagmites aux formes les plus imprévues ! Ce sont encore des retraits bizarres ; des fissures drôlement contournées ; des grottes, des cavernes, et par instants, des coups de lumière d’un vert de rêve provenant de déchirures du roc mais que l’on ne peut apercevoir.
A la saison des basses eaux, le mouillage du Houei Khi Heup, dans le souterrain, varie de 40 centimètres à plus de 2 mètres, suivant les endroits, en raison des ondulations que présente le radier ; ce qui oblige à faire certaines parties du parcours à la nage.
Au moment des hautes eaux, il y a de trois à quatre mètres d’eau au-dessus de l’étiage, et l’on peut alors naviguer en pirogue sans aucune difficulté ; la pente étant alors presque nulle, à ce moment.
L’entrée des souterrains, à l’Est dans le sens du courant de la rivière, a une hauteur de 20 mètres sur une largeur de 30 mètres. Un éboulement du massif a obstrué une partie de cette entrée, de sorte que le cours d’eau qui, précédemment, se divisait en deux branches, à l’intérieur du souterrain, s’engage maintenant dans la seule branche de gauche, restée libre, en bondissant et en grondant formidablement.
A l’époque des crues, le Houei Khi Heup refoule une partie des ses eaux dans la branche de droite, au travers des blocs éboulés ; mais l’eau ne dépasse pas un certain point (X, du croquis). Encore les eaux n’atteignent-elles ce point que lors des crues exceptionnelles ; car entre le point X et le point R, se dresse un énorme pilier, perforé d’un couloir coudé, de moins de deux mètres de large, dont le radier est élevé de plusieurs mètres au-dessus des crues modernes. Ce couloir sert de passage aux piétons, et comme ce fut notre cas, aux chevaux.
Extrait de Macey P., 1908. Cours d’eaux souterrains du Cammon au Laos. Spelunca, Bulletin et mémoires de la Société de Spéléologie, VII, pp. 21-23.
Tham Heup - Croquis d’exploration de Macey (1902)
Entrée aval de Tham Heup © J. Burrows - 2004
La résurgence de Tham Heup (Lucien Rudaux)