Tham Konglor - La Nam Hin Boun souterraine
Tham Konglor - La Nam Hin Boun souterraine
La traversée de la Nam Hin Boun - 1890
Pierre-Paul Cupet est capitaine au 2e régiment de zouaves en juillet 1887, lorsqu’il devient l’un des collaborateurs les plus proches d’Auguste Pavie. Il assure les travaux topographiques et géographiques de la mission. Chargés d’explorer la rive droite du Mékong, le 28 février 1890, Cupet et Henri Counillon embarquent à Ban Natan et traversent en pirogue Tham Konglor, la grotte de la Nam Hin Boun. Guidés par les laotiens, qui utilisent la rivière chaque jour, ils parcourent, à la lueur de torches en bambou, cet extraordinaire tunnel qui perce la montagne sur plus de six kilomètres.
Dans la relation de cette aventure, Cupet sous-estime très largement les dimensions de la cavité. En réalité, la largeur moyenne de la galerie est de 30 mètres, et la longueur de la rivière souterraine de Tham Konglor est d’environ 6.4 kilomètres !
Il n’existe malheureusement pas de photographies de cette expédition “historique”, mais Lucien Rudeaux mettra plus tard son imagination au service de l’Histoire en illustrant dans le journal “La Nature” les publications relatives à la spéléologie et au karst laotien. Rudaux était avant tout un astronome, mais aussi un ami d’E.A. Martel, éditeur de la revue, avec qui il ouvrit les premiers canyons du Pays Basque. Nombre de gravures qui illustrent les écrits de Martel lui sont dues. Mais Rudaux est surtout universellement connu pour les extraordinaires paysages extraterrestres qu’il imagina et mis en scène. Nous retrouverons des échantillons de son talent un peu plus loin...
Quelques jours après la traversée de la grotte de Konglor, Counillon, parti un peu plus au sud pour repérer les gisements d’étain de la Nam Pathen, traversera à pied la courte grotte-tunnel qui donne accès au cirque de Ponthiou, déjà visité par De Lagrée en 1867.
On considère souvent que la spéléologie est née en France le 27 juin 1888, lorsque E.A Martel réalisa la première traversée de Bramabiau. Alors qu’au Laos, les grottes sont souvent des voies de circulation qui facilitent depuis toujours les échanges de vallée à vallée. Sport et Science extraordinaires en Europe, banalité du quotidien au Laos...
Tout aussi “banale” est l’exploration de Tham Heup, non loin du débouché de la Nam Hin Boun dans la plaine du Mékong. Paul Macey, un autre membre de la mission Pavie, en raconte la visite en 1902...
28 Février 1890
“Nous nous embarquons le 28 au matin, M. Counillon et moi, pour faire la reconnaissance de la partie souterraine de la rivière et gagner Ban Khong Lo, situé au débouché. [...]
A moins de 500 mètres du confluent du Nam Tôn, s’ouvre dans la montagne une superbe grotte dont la voûte irrégulière supporte d’énorme rochers en saillie, terminés par des stalactites. Des lianes, des plantes grimpantes, des arbustes l’encadrent jusqu’au sommet et adoucissent l’aspect sauvage de l’entrée du souterrain.
L’eau dort à l’entrée, très limpide, reflétant comme un miroir les moindres détails du paysage..
Les pirogues s’engagent à la file dans un vaste tunnel, d’une largeur moyenne de 10 mètres, haut de 4 à 5, si régulier par instants qu’on le dirait creusé de main d’homme dans la pierre. La lumière va diminuant peu à peu et cesse complètement au premier coude. Des torches sont allumées mais leur clarté fumeuse n’arrive pas à percer les ténèbres qui nous enveloppent et la navigation s’effectue dans le noir, à tâtons. Tel devait être le Styx dans l’imagination des anciens : peu s’en faut que la mienne évoque l’ombre de Caron, le nocher des enfers, dont l’apparition n’eut étonné personne en un pareil milieu.
Par instant, la rivière s’engouffre avec fracas dans des ramifications latérales ou des crevasses et les eaux se perdent, réveillant les échos d’un monde souterrain. Ailleurs, c’est un rapide qui nous arrête et nécessite le déchargement des barques. Pas d’autre incident, du reste, à noter pendant cette navigation d’un nouveau genre qui nous a pris près de quatre heures. J’estime à 3 kilomètres environ la longueur du trajet sous la montagne.
Le cours de la rivière est tracé en ligne droite bien avant la sortie et a la régularité géométrique d’un canal. Le boyau se termine par une ouverture demi-circulaire découpée, comme au ciseau, sur l’immense paroi de la montagne. Quelques blocs de rochers en garnissent les abords ; puis l’eau se déverse dans un large bassin, par une chute que les barques ne peuvent franchir. Au delà, le Nam Hin Boun redevient navigable jusqu’à son confluent”.
Extrait de Cupet P.P., 1906. Mission Pavie, Indo-Chine, 1879-1895. Géographie et Voyages, III. Voyages au Laos et chez les sauvages du sud-est de l’Indochine, Ed. Ernest Leroux, Paris (1919). pp.183-184.
Le capitaine Pierre-Paul Cupet
La résurgence de la Nam Hin Boun (Lucien Rudaux)
Autre vue d’artiste, plus réaliste, à comparer avec la photo de la résurgence, ci-dessous (auteur inconnu, Thakhek 2003).
1991 - L’époque moderne